SUR QUELLE BASE JURIDIQUE LE POLICIER MARSEILLAIS POUVAIT-IL ÊTRE INCARCÉRÉ ?
D’abord un rappel important : tout prévenu est présumé innocent.
La présomption d'innocence est un principe selon lequel, en matière pénale, toute personne poursuivie est considérée comme innocente des faits qui lui sont reprochés tant qu'elle n'a pas été déclarée coupable par la juridiction compétente.
UN POLICIER EN DÉTENTION PROVISOIRE ? POUR LE MOINS ÉTONNANT POUR UNE JUSTICE ACCUSÉE DE LAXISME.
Jugez-en par vous-même :
Reprenons l’article préliminaire du Code de procédure pénal qui précise les conditions de la détention provisoire et de la garde à vue. Le Code stipule :
« Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie. Les atteintes à sa présomption d'innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi.
Les mesures de contraintes dont la personne suspectée ou poursuivie peut faire l'objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire. Elles doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure, proportionnées à la gravité de l'infraction reprochée et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne.
Il doit être définitivement statué sur l'accusation dont cette personne fait l'objet dans un délai raisonnable.
Au cours de la procédure pénale, les mesures portant atteinte à la vie privée d'une personne ne peuvent être prises, sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire, que si elles sont, au regard des circonstances de l'espèce, nécessaires à la manifestation de la vérité et proportionnées à la gravité de l'infraction. »
On ne voit pas sur quel fondement juridique dans l’affaire du policier de Marseille incarcéré peut-il être maintenu en détention « provisoire » ?...Du provisoire qui dure et va continuer à durer.
Le policier détenu et qui le restera au moins jusqu’à fin août peut très bien être tenu à la disposition de la Justice sans qu’il soit incarcéré et compte tenu de son statut de policier c’est d’autant plus facile. Sous simple contrôle judiciaire, l’enquête pouvait se poursuivre sans risque.
Cette incarcération aurait pu à l’extrême limite être justifiée pour protéger le policier...sauf que celui-ci a fait appel de la décision initiale et a donc manifesté sa volonté d’être libéré
Il aurait pu ou dû être soumis au contrôle judiciaire comme ses trois collègues de la BAC et comme tant d’autres prévenus.
Mais le jeudi dernier 3 août 2023 la Cour d’Appel d’Aix a rejeté sa demande de remise en liberté. Ce policier restera donc en prison.
ARGUMENTS ENCORE INCONNUS DE LA COUR D’APPEL : UN SILENCE QUI OUVRE LE DROIT AUX HYPOTHÈSES
Sur cette décision de la Cour d’Appel, nous ne disposons donc que d’informations partielles voire partiales de presse car, à ce jour, la décision de la Cour d’Appel n’est toujours pas encore en ligne.
Les informations retransmises par les médias ne peuvent être à ce jour prises en considération car elles sont très incomplètes et ce qui est plus surprenant pour une décision portant sur la procédure et non pas sur le fond. Les juges ont même repris et explicité les faits reprochés par l’accusation contre les quatre policiers inculpés. Les griefs retenus contre les policiers sont ceux de :
"violences volontaires ayant entraîné une ITT (incapacité totale de travail) supérieure à huit jours, aggravées par trois circonstances en ce qu'elles ont été commises en réunion, avec usage ou menace d'une arme et par personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice de ses fonctions".
Mais nous ne savons qu’à travers les plaidoiries du défenseur des inculpés et de celui de la présumée victime que des bribes de détails sur les circonstances qui rappelons-le n’étaient pas l’objet de la demande présentée en appel par le policier incarcéré.
Le seul objet de l’appel était bien le maintien en détention, objet même du recours du policier incarcéré devant la Cour d’Appel, et justement sur ce point c’est plutôt le silence.
VERS UNE CRISE INSTITUTIONNELLE ?
Ceci laisse donc le champ libre à toutes les interprétations dont celles parfois dangereuses reprises déjà par les médias.
Cette incarcération et les mises en examens des trois autres policiers seraient le résultat du conflit local POLICE JUSTICE (on est à Marseille !)aggravé par les propos du Président de la République qui juge avant les juges, du Ministre de l’Intérieur Gérald DARMANIN et du Directeur Général de la Police Nationale qui défend ses troupes...maintenant on passe d’une affaire locale à une nouvelle crise nationale institutionnelle.
Il est grave d'envoyer les forces de l'ordre au "case pipe" et puis de les lâcher après qu'elles aient subi la violence déchaînée qui a fait 900 blessés dans leurs rangs.
Police et Justice forment un bloc qui garantit la Sécurité Publique. Le public ne sait pas toujours qu’en matière de Procédure, le travail d’investigation est confiée par la justice à la police et à la gendarmerie. Séparer les deux, Justice et Forces de maintien de l'ordre, c'est faire courir au Pays le risque de l'effondrement des institutions comme en 1958 !
Après la réforme plus ou moins abandonnée du statut des Officiers de Police Judiciaire OPJ qui génère depuis des mois une crise au sein de la Police une seconde crise est donc particulièrement mal venue puisque au malaise policier il faut ajouter celui plus profond de la contestation des personnels de la Justice !
D’où, le pas franchi par certains pour avancer la thèse d’une entrée en crise institutionnelle ...pendant ce temps, le garant des Institutions et du bon fonctionnement des Services Publics le chef de l’État est en vacances.
Quand dans un Pays Justice et forces de l'ordre sont en crise, ce sont deux piliers de l'édifice État qui est déstabilisé.