LA PROTECTION DES FORCES DE POLICE PASSE AVANT TOUT PAR DES MOYENS RENFORCÉS ET PAR L'APPLICATION RIGOUREUSE DES TEXTES EXISTANTS
Nous attirons votre attention sur une loi dite loi "Sécurité Globale" en cours de discussion au Parlement.
Cette loi à notre grand étonnement vient modifier la fameuse loi sur la liberté de la presse de 1881 …de quoi effectivement émouvoir les journalistes et les citoyens épris et défenseurs du respect des libertés telles que définies dans les textes fondamentaux de la République.
Cette proposition de loi est donc une initiative des parlementaires « En marche » et apparentés et d’un groupe d’une vingtaine du groupe "Agir ensemble".
Pour consulter le texte de la proposition de loi :
http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3452_proposition-loi#
Cette proposition est divisée en 8 chapitres dont
- un chapitre concernant la sécurité privée,
- un chapitre consacré à la police municipale,
- un chapitre consacre à la vidéoprotection et captation d’images,
- un chapitre consacré aux forces de la sécurité intérieure dans lequel figure l’article 24,
- un chapitre sur la sécurité dans les transports et sécurité routière,
-trois chapitres sur diverses mesures.
Ce qui fait débat c’est cet Article 24 (voir ci-dessous) de cette proposition de loi qui n’en compte pas moins de 32 articles !
Article 24 de la proposition de loi :
1 - Le paragraphe 3 du chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par un article 35 quinquies ainsi rédigé :
« Art. 35 quinquies. – Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police. »
I L’article 35 quinquies de la loi du 28 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne font pas obstacle à la communication, aux autorités administratives et judiciaires compétentes, dans le cadre des procédures qu’elles diligentent, d’images et éléments d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale.
ENCORE UNE LOI FOURRE-TOUT
Comme nous pouvons le voir ci-dessus, la première remarque que nous pouvons faire concerne l’importance du texte de loi, encore un fourre-tout dont les députés et les sénateurs ne pourront pas tous faire une analyse complète. Par exemple, alors que l’opinion se focalise sur l’article 24, observons que le seul chapitre qui concerne la police municipale mérite à lui seul un débat sachant l’extension des compétences de cette police municipale qui va jusqu’à celle de police judiciaire !
Nous avons une police nationale et les personnels de la gendarmerie, personnels formés aux procédures judiciaires. S’il en manque pourquoi ne pas prendre sur le contingent des 10 000 policiers dont le recrutement est prévu au lieu de confier des tâches de même compétence à une autre police de proximité, non formée aux procédures judiciaires.
Deuzio, que vient faire , par exemple, dans cette loi le chapitre sur la Sécurité Routière concernant les « vérifications destinées à établir l’état alcoolique » ?
On pourrait continuer ainsi sur d’autres articles de la proposition de loi.
Décidement, nous avons bien du mal à comprendre comment peuvent travailler sérieusement nos parlementaires.
Concluons que le texte essentiel est noyé au sein des 32 articles de la loi dite « police globale ».
L’ARTICLE 24 DE LA LOI EST-IL NÉCESSAIRE, EST-IL LIBERTICIDE OU SIMPLEMENT PROTECTEUR DES FORCES DE L’ORDRE
Reprenons des principes fondamentaux.
Il appartient donc aux forces de l’ordre dont c’est la mission d’accepter d’encadrer des manifestations sachant que le droit de manifester est reconnu et encadré ? Ce n’est pas le droit de faire n’importe quoi et les débordements doivent et peuvent être sanctionnés.
La liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres : la liberté d’informer elle-même est encadrée contre les débordements : diffamation, injures…
« Tout ce qui n'est pas interdit est permis. Selon l'article 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, « (…) Tout ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas. ».
Le droit de manifester est aussi garanti symboliquement par son inscription dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. L’article 10 souligne : «Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi.»
Qu’est-ce ce qui peut juridiquement empêcher un journaliste de photographier des manifestants et des policiers ?
Rien n’empêche non plus les policiers de filmer les manifestants si ce n’est le risque pour ceux-ci comme pour les journalistes qu’il soit porté atteinte à leur vie privée. Celui qui est photographié pourra porter plainte à ce titre !
Le droit à l'image permet de faire au citoyen de faire respecter son droit à la vie privée. Ainsi, il est nécessaire d'avoir un accord écrit pour qu’un tiers puisse utiliser votre image. Des exceptions existent, par exemple la photo d'un événement d'actualité. Mais chacun peut demander le retrait d'une image au responsable de sa diffusion.
Ce texte de l’article 24 de la loi « sécurité globale » sous sa forme de proposition initiale présentée aux députés et comme cela a été dit à l’Assemblée Nationale est une forme d’entrave au droit de manifester et d’informer.
Mais en prenant une photo, le journaliste devient-il désormais présumé coupable de vouloir nuire aux forces de l’ordre ?
Sera-ce à lui de prouver qu’il n’a pas l’intention de nuire aux policiers figurant sur ses clichés ?
Cette loi votée par l’Assemblée Nationale part d’abord de l’intention louable de protéger les forces de l’ordre. Mais, encore une fois, il s’agit d’une loi qu’on peut qualifier de circonstancielle et liberticide qui :
- d’une part, elle omet qu’il existe un arsenal de textes et une importante jurisprudence très protecteurs des forces de l’ordre et qu’il est du devoir essentiel des magistrats de faire application des textes et ainsi de protéger les forces de l’ordre,
- d’autre part, il crée un délit avec une présomption de culpabilité qui concrètement sera à la charge de celui dont le but est d’informer, c’est une entrave à la liberté,
- de plus, la déontologie qui s’applique à la presse et aux journalistes bien sûr, protège efficacement les policiers,
- enfin, et surtout il existe des moyens techniques d’investigation qui doivent protéger les forces de l’ordre de l’usage abusif qui pourrait être fait des images prises par des manifestants et des journalistes ou par tout individu qui aurait des intentions de nuire.
Ces moyens peuvent ou doivent être renforcés et être éventuellement préventifs comme cela se fait pour les personnes « fichées » …les individus qui, par exemple, à travers les réseaux sociaux cherchent à nuire doivent être plus surveillés et éventuellement mis hors d’état de nuire comme tout individu suspect.
Il ne suffit pas de crier au loup quand des individus abusent des réseaux sociaux pour nuire à des tiers qu’ils soient personnes privées ou membres des forces de l’ordre. Il faut une réponse pénale et civile qui existe déjà.
Tout cet arsenal existe donc. Son efficacité peut et doit être améliorée
Cela rend déjà cet article 24 de la loi inutile.
En effet, pourquoi faire encore une loi qui mélange tout, qui fait polémique et qui va alourdir l’arsenal législatif et réglementaire existant sans donner des moyens humains et techniques de combattre le mal à la racine et de protéger les forces de police.
On peut bien comprendre le souci dans la période actuelle d'améliorer la protection des membres des forces de l'ordre, mais la voie choisie par cette proposition de loi est-elle vraiment la bonne ?
À chacun de s'informer et de juger.
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