LES LIBERTÉS MENACÉES, DES PROMESSES NON TENUES : DES SITUATIONS INQUIÉTANTES ET DES RÉPONSES RÉCONFORTANTES DES HAUTES JURIDICTIONS
Nous sommes étonnés de voir nos deux hautes juridictions, le Conseil d’État et le Conseil Constitutionnel, sanctionner des textes votés par le Parlement et présentés avec l’accord du Gouvernement et s’engager dans le contrôle de l’exécution par l'État de ses obligations nationales et internationales.
Cela signifie, pour ces décisions, que d’une part, le Chef de l’État et le Gouvernement ont défendu des textes liberticides que le Parlement a voté ces textes et que le Conseil Constitutionnel est conduit à rappeler à l'ordre ceux qui égratignent ainsi les libertés fondamentales.
LA LOI AVIA INCONSTITUTIONNELLE SUR DES POINTS ESSENTIELS
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2020/2020801DC.htm
Saisi par des sénateurs, le Conseil Constitutionnel a « démantelé » cette loi élaborée sur initiative de la députée « En marche » Laetitia AVIA et visant à lutter contre les "contenus haineux et sexuels sur internet". Une idée saine trahie par un texte malsain.
Cette loi fut très contestée par les millions de pratiquants et autres spécialistes des réseaux sociaux, par les défenseurs des libertés dont celle de l’information et par les "plateformes" concernées.
La saisine du Conseil Constitutionnel est motivée pas le fait que « l'atteinte portée à la liberté d'expression et de communication serait disproportionnée en raison de l'absence de garanties suffisantes ».
Le Conseil Constitutionnel motive sa sanction de la loi en se fondant sur la Constitution qui intègre dans son préambule la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Le Conseil Constitutionnel en conclut que «… la liberté d'expression et de communication est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés. Il s'ensuit que les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi. »
Le Conseil Constitutionnel cadre donc les limitations abusives mises à la liberté d’information et les procédures de sanctions que cette loi prévoyait.
Le Conseil Constitutionnel cadre aussi les pratiques de la détention préventive?
C'est par deux réponses à des questions prioritaires de constitutionnalité QPC que le Conseil Constitutionnel fait à l'État un rappel à l’ordre, une injonction, pour faire cesser des pratiques qu’il condamne en matière d’exécution des conditions de la détention provisoire.
Il se fait ainsi le défenseur du droit des personnes.
La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est un droit nouveau reconnu par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (art. 61-1) et entré en vigueur le 1er mars 2010.
Il permet à tout justiciable de contester, devant le juge en charge de son litige, la constitutionnalité d’une disposition législative applicable à son affaire parce qu’elle porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.
Le contrôle du Conseil Constitutionnel ne s’effectue plus seulement a priori, c’est-à-dire avant la promulgation d’une loi, mais également sur tous les textes législatifs déjà entrés en vigueur (contrôle a posteriori), y compris avant la création du Conseil constitutionnel en 1958.
Le Conseil Constitutionnel a donc rendu une décision le 2 octobre 2020 concernant les personnes en détention provisoire dans des conditions indignes. Selon le Conseil, les détenus doivent avoir la possibilité de saisir le juge afin de mettre fin à cette situation dégradante.
Aux termes de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ». Selon son article 16 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il résulte de ces dispositions qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction.
CE QUE VALENT LES PROMESSES D’ÉTAT
Le maire écologiste (devenu député européen) de la commune de Grande- Synthe limitrophe de DUNKERQUE a mené un combat juridique important depuis 2018.
Sa commune, comme tant d’autres en France, est exposée aux risques de la montée de la mer liée certainement ( ?) au réchauffement climatique.
Or, depuis l’Accord de Paris de 2015, l’État s’est engagé à limiter le réchauffement, à atteindre une baisse de 40% des émissions de gaz à effets de serre en 2030 par rapport à leur niveau de 1990.
Mais l’État ne tient ni ses promesses ni son calendrier. Le Conseil d’État relève que l'État a , au cours des dernières années, régulièrement dépassé les plafonds d’émissions qu’il s’était fixés et que le décret du 21 avril 2020 a reporté l’essentiel des efforts de réduction après 2020 .
Aussi, le Conseil d’État demande à l’État de se justifier…
Le Conseil d'État a donné trois mois à l'État pour démontrer qu'il prenait bien les mesures pour parvenir à ses engagements en matière de réduction des gaz à effet de serre.
C’est une décision de principe, une injonction. C’est aussi une première
Pour cette décision, ne donnons pas dans l’euphorie : dans cette phase du dossier le Conseil d’État ne s’arroge « que le droit de secouer le gouvernement et l’État » en leur rappelant leurs promesses…Mais notons que la Juridiction n’aurait pas eu de mal juridiquement à se déclarer incompétente. Elle a choisi, et c’est tout à son honneur, une autre voie qu’elle motive bien sûr ! Sera-ce une décision de principe qui fera jurisprudence ? On en reparlera.
AINSI CES DEUX HAUTES JURIDICTIONS MONTRENT UNE INDÉPENDANCE INTÉRESSANTE DANS L’ÉQUILIBRE DES POUVOIRS…EST-CE UN CONTRE-POUVOIR QUI SE MET EN PLACE ?