LIBERTÉ D’EXPRESSION...RAPPEL SUITE À LA POLÉMIQUE CONCERNANT LA DÉCISION DU CONSEIL D’ÉTAT EN DATE DU 13 FÉVRIER 2024
En France, État de droit par excellence, surtout depuis 1789, la liberté est la règle, l’interdiction est l’exception.
Nous avons à diverses reprises largement tenté d’expliquer combien est fragile cette liberté de pensée et d'expression consacrée par l’Assemblée Constituante et incluse dans la Déclaration de l’homme et des citoyens (article 10 et 11 voir ci-dessous ) puis recadrée, après deux année de réflexions et âpres débats, par la loi du 29 juillet 1881 pour ce qui concerne la presse...et les moyens d’expression au sens large.
Article 10
Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi.
Article 11
La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.
Nous avons fait diverses parutions sur ce grave sujet sur lequel il se dit tout et souvent vraiment n’importe quoi :
NE PAS FAIRE DIRE AU CONSEIL D’ÉTAT CE QU’IL N’A PAS DIT
La décision du Conseil d’État résulte d’un conflit entre :
- d’une part, l’ARCOM (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, successeur de la CSA ; gendarme de l’audiovisuel) ;
- et d’autre part, Reporters sans Frontières RSF, qui demandait à l’institution ARCOM de mettre en demeure l'éditeur du service de télévision CNews sur le fondement de l'article 42 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
- Ce n'est pas une décision dans laquelle C News intervient.
En effet, par décision du 5 avril 2022, l'ARCOM avait rejeté la demande de l'association Reporters Sans Frontières qui voulait entre autres choses que l'éditeur du service CNews soit mis en demeure de se conformer à ses obligations en matière de pluralisme et d'indépendance de l'information.
Cette décision du Conseil d’État est donc une décision de la Juridiction Administrative concernant un acte administratif du Service Public de l’Audiovisuel ARCOM susceptible d’être annulé par le Conseil d’État. Rien de plus normal.
Le Conseil d’État se fondant sur la mission confiée par l’État à l’ARCOM a donc estimé que celle-ci n’avait pas rempli sa mission et la condamne en lui enjoignant de surveiller de plus près l’activité de C News pour savoir si cette chaîne respecte ses obligations.
En réalité, le Conseil d’État met l’ARCOM face à ses responsabilités mais aussi et surtout celles du législateur qui n’a pas défini clairement dans la loi no 2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l'accès aux œuvres culturelles à l'ère numérique qui a aussi...comme par hasard, fondé l’ARCOM. (fusion de la CSA et d'HADOPI).
L’ARCOM, GRAND INQUISITEUR, RÉTABLISSEMENT DE LA CENSURE ?
Le Conseil d’État, comme il le fait dans ses décisions sur des contentieux qui lui sont soumis provoque le législateur sur les lacunes de ses lois.
En clair, le Conseil d’État pose la bonne question qui est de savoir si l’ARCOM (Autorité du Service Public de l’Audiovisuel dite indépendante) peut ou doit-elle jouer le rôle de grand censeur, d’inquisiteur en plus de ses nombreuses charges techniques de régulateur, attributeur des fréquences...?
Effectivement, nous n’avons trouvé aucun texte fixant précisément les missions confiées à l’ARCOM...le problème est posé...à quand la solution que doit donner le Parlement ?
Si le sujet venait devant le Parlement....nous aurions de belles empoignades mais ce serait une belle occasion d'un vrai débat sur le liberté de la presse, la liberté d'expression avec ses limités...sur les réseaux par exemple...nous craignons fort que ce débat ne soit pas pour tout de suite !
D'ailleurs dans son communiqué de presse a bien précisé
"Par cette décision, le Conseil d’État ne se prononce pas sur le respect par les programmes de la chaîne CNews des exigences de pluralisme et d’indépendance de l’information. Il précise les principes applicables au contrôle que l’Arcom doit exercer sur le respect de leurs obligations légales par l’ensemble des chaînes et rappelle que, dans le respect de ces principes, le régulateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans l’exercice des prérogatives qui lui sont conférées par la loi."
Exigences de pluralisme et d'indépendance de l'information ...C'est bien l'ARCOM qui est visée...comme aussi toutes les chaînes ...le débat n'est donc certainement pas pour demain et pourtant les chaînes du Service Public ont du souci à se faire et l'ARCOM du pain sur la planche. On peut rêver.
La décision du Conseil d'État:
https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2024-02-13/463162