UNE JURIDICTION QUI NE SE PLAINT PAS TROP !
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UNE JURIDICTION QUI NE SE PLAINT PAS TROP !
Le solennel rituel de la rentrée du Tribunal Judiciaire des Sables d’Olonne s’est déroulé ce mercredi 25 janvier 2023.
Nous avons connu des audiences de rentrée plus contestataires, plus alarmistes. Cette rentrée n’a pas eu l’ambiance de ras le bol, de doléances face à des résultats insatisfaisants en matière de durée des procédures, en stock d’affaires en cours, en manque flagrant de moyens humains...
Est-ce de la pudeur ou de la courtoisie vis-à vis des représentants de l’État ?
Est-ce de la résignation face à une situation que pourtant le rapport des États Généraux de la Justice lancé par le Ministre Garde des Sceaux Eric DUPOND-MORETTI ne décrit pas en rose :
« Une crise majeure de l’institution judiciaire.
La justice n’a plus les moyens de remplir son rôle et fait l’objet de remises en question multiples »
Le rapport est alarmant :
Dans son rapport, le comité des États généraux de la Justice évoque "l'état de délabrement avancé dans lequel l'institution judiciaire se trouve" après des "décennies de politiques publiques défaillantes".
Le rapport appelait ainsi à une réforme systémique afin de "clarifier le rôle de la justice dans la société, la place de l'autorité judiciaire dans la cité et la mission du juge" dans un contexte de défiance généralisée face aux institutions.
Délais de jugement excessifs, outils et infrastructures informatiques insuffisants ou obsolètes, exécution tardive des décisions de justice, recul de la collégialité, conditions de détention indignes...
La crise traversée par la justice française est présente à la fois du côté des professionnels et des justiciables. Le découragement des uns et l’incompréhension des autres tendent à devenir inquiétants pour la garantie des droits :
- les délais de jugement moyens ont été allongés au cours des dernières décennies, atteignant 13,9 mois pour la première instance en 2019, 15,8 mois en appel et jusqu’à 16 mois aux prud’hommes ;
- le manque de qualité de justice rendue en matière pénale a abouti à une multiplication des courtes peines de prison ;
- la dégradation et le surpeuplement des établissements pénitentiaires et des maisons d’arrêt entravent la réinsertion et favorisent la récidive.
Le rapport pointe les causes de la crise dont :
- la sous-dotation permanente de l'institution judiciaire ;
- la complexification et la multiplication du droit et procédures ;
- les réformes mises en place qui ne visent qu’à "colmater les brèches" d’un système défaillant ;
- la multiplication des missions assignées à la justice.
Ce mercredi 25 janvier 2023, dans la salle d’audience du tribunal des Sables d’Olonne, avec une situation ainsi définie on pouvait donc s’attendre à des propos musclés de la part du Procureur Olivier COUVIGNOU dont nous apprécions la rigueur et la qualité de l’humour et de la Présidente Madame Émilie RAYNEAU. Au contraire, le duo des deux responsables de la juridiction donnèrent dans la délicatesse. Ce fut comme si l’air marin d’une des plus belles plages du monde adoucissait les mœurs et soignait les blessures des serviteurs locaux de la Justice .
LES CHIFFRES AU TRIBUNAL JUDICIAIRE DES SABLES D’OLONNE
Les effectifs sont satisfaisants avec 8 magistrats du siège et 3 du Parquet et un personnel de greffe quasiment au complet 39 agents pour 41 postes et un nombre croissant d’avocats (64).
Globalement, l’activité en matière civile est stable y compris en matière de dossiers de majeurs sous mesures de protection avec pas moins de 2505 dossiers.
En matière pénal, on ne note pas moins de 15326 plaintes enregistrées en nette progression par rapport à 2021 (12100). Les comparutions immédiates (55) sont stabilisées par rapport aux années précédentes.
Le Procureur a insisté sur deux points concernant la délinquance avec la recrudescence des cambriolages et surtout il fait un rappel sur l’accidentologie routière avec encore sur le périmètre de la juridiction 18 morts et le lien avec des « comportements et conduites addictives autodestructrices » (alcool, drogues)
Il a osé évoquer la fragilisation de l’institution judiciaire avec cette perte de sens dans l’exercice des fonctions judiciaires plus ressenti dans les petits tribunaux.
Il met en avant de dévouement et la polyvalence des fonctionnaires et magistrats et la qualité de la réponse pénale.
Le deuxième point qui mobilise plus l’institution est la réponse aux actes de violences conjugales et autres intra-familiales (contentieux sensibles et massifs)
Le Procureur Olivier COUVIGNOU a rappelé les affaires pénales importantes (affaires de de cambriolages, pilleurs d’épaves, incendiaires et trafic important de stupéfiants).
UNE JUSTICE OUVERTE À TOUS ET PARFOIS SURPRENANTE
La Présidente Émilie RAYNEAU est revenue sur les principes qui guident la juridiction :
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- l’efficacité et la rapidité alors qu’il est reproché à la Justice sa lenteur. Le propos est nuancé car effectivement la justice expéditive n’est pas nécessairement une bonne justice,
- l’adaptabilité,
- la proximité et l’ouverture : la justice assume une mission de service public, elle doit être d’un accès facile a tous. « La Justice n’est pas enfermée dans sa tour d’ivoire ». La Présidente fait part d’interventions dans les milieux scolaires « découverte de la Justice pénale », causeries du Palais...
La petite surprise fut l’annonce de l’expérimentation d’un « chien d’assistance judiciaire », une mesure d’apaisement, anti-stress. La Justice peut parfois sortir de son carcan et de ses rites pour se rapprocher du justiciable que nous sommes tous.