Le Président Pascal ALMY Le Procureur Thierry DRAN
UN GRAND MOMENT A PARTAGER POUR QUE LA FRANCE CONTINUE DE CROIRE EN SA JUSTICE
Chaque début d’année est marqué en matière de justice par une audience solennelle de rentrée. Celle-ci réunit l'ensemble des magistrats et des greffiers d’une cour ou d'un tribunal. Il y est fait un exposé de l'activité de la juridiction durant l'année écoulée.
Dans l’année, cette cérémonie est un moment exceptionnel : la justice parle aux autorités, aux citoyens. Étaient conviées selon le protocole rituel les plus hautes autorités de la circonscription judicaire : préfet, sous-préfet, auxiliaires de justice, autres autorités, magistrats de la Cour d’Appel…Cette année 2014 cette audience fut un moment exceptionnellement grave dans la force des messages que nos magistrats nous ont adressés.
Ce vendredi 17 janvier 2014, les formes furent respectées avec la majesté due à la Justice. Mais le fond des discours fit oublier les formes et leurs pompes.
Les deux branches de la Justice que sont le Parquet sous la houlette du Procureur Thierry DRAN et le Siège sous celle du Président Pascal Almy se sont partagées équitablement la vedette avec un discours vigoureux, émouvant, avec un appel à l’aide.
Le protocole veut que ce soit le Procureur qui prononce le premier discours.
Thierry DRAN, d’emblée, a marqué cette rentrée par un discours peu ordinaire. Foin de l’énumération fastidieuse des chiffres de la délinquance. Ce discours débute par la lecture d’un appel solennel des Procureurs de France. Cet appel du 8 décembre 2011va bien au-delà de la récrimination sur le manque de moyens de la JUSTICE. C’est un appel sans précédent au "législateur, au gouvernement et à l'ensemble des citoyens".
« les parquets ne sont plus en mesure d’assurer leurs missions …Notre pays a besoin d’une justice forte…la réforme de notre statut est urgente » « la stabilité juridique est encore mise en cause »
Reprenons quelques phrases choc de cet appel
« En second lieu, ces conditions passent par une sécurité juridique et une cohérence qui font de plus en plus défaut à la matière pénale. Sous l’avalanche des textes qui modifient sans cesse le droit et les pratiques, souvent dans l’urgence, sans étude sérieuse d’impact, et au nom de logiques parfois contradictoires, les magistrats du parquet n’ont plus la capacité d’assurer leur mission d’application de la loi. En dernier lieu, ces conditions sont largement tributaires des moyens très insuffisants mis à la disposition des parquets pour l’exercice de leurs missions, dont le périmètre n’a cessé de croître.
Une étude de la commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) a mis en évidence sur l’année 2008 que le procureur français était en Europe investi des charges les plus lourdes, et doté, pour les assurer, des moyens les plus faibles.
Les procureurs de la République alertent solennellement le législateur, le gouvernement, ainsi que l’ensemble de leurs concitoyens sur la gravité d’une situation qui ne leur permettra plus, avec leurs équipes d’accomplir sérieusement leurs missions, s’il n’y est pas d’urgence remédié par une réforme de leur statut, une stabilisation normative, et l’affectation de moyens humains, matériels, et financiers. Ce n’est qu’à ces conditions qu’ils pourront exercer leurs responsabilités et la plénitude de leurs fonctions :- l’exercice de l’action publique,- la direction de la police judiciaire,- la garantie du respect des droits et libertés individuels. »
Bien sûr le Procureur a dû, dans la seconde partie de son discours, parler de l’événement juridique de l’année 2014 « le procés Xynthia » qui s’ouvrira aux Atlantes le 15 septembre. : le plus grand procès de l’année en France. Un dossier qui à lui seul représente un mois de lecture continue ! Cette mobilisation du Parquet se fera peut-être un peu au détriment du bon fonctionnement du Parquet.
Le Président ALMY a emboîté le pas et suivi la même route que le Procureur : des « réquisitions inhabituelles ». Le Président n’a pas hésité à dévoiler son inquiétude partagée avec le Procureur. Les postes de magistrats et greffiers manquent et le départ de 1400 magistrats à la retraite va aggraver la situation.
Sur le terrain les magistrats sont toujours prêts à s’impliquer dans les nouveaux textes mais « nous en restons sur nos incompréhensions,…sentiment d’humiliation ». Avec 60 € par habitant pour sa Justice, la France, au sein du conseil de l’Europe, est au 37 ième rang sur 43 pays ! « 2 à 3 fois moins de moyens que les autres démocraties européennes ».
Le juge doit pouvoir « prendre le temps de connaître la personne qui se présente devant lui ». Les juges ne sont pas des distributeurs automatiques de peine…un quart d’heure : il n’y a pas de dialogue avec le prévenu."
Le spectre d’OUTREAU est même évoqué. Il n’y a pas eu que l’instruction en cause, il y a eu des détentions préventives d’innocents.
Pourquoi se soucier des moyens puisqu’on y arrive toujours ?...quelle problématique est ainsi soulevée…un bon juge est contraint au renoncement « pour contenir le nombre de ses dossiers » et cette parole terrible dans la bouche d’un magistrat qui exprime l’espoir « que nous ne devenions pas des étrangers à nous-mêmes »
L’assistance, en ce vendredi 17 janvier 2014, a eu en face d’elle un magistrat certes mais un magistrat avec un cœur de magistrat, une émotion de magistrat vivant son métier et transmettant au public cet appel à partager ses craintes pour son institution certes mais c’est l’institution de tous les français. Nous pensons que son message a été partagé, vécu et compris par l’assistance.
Nous reparlerons des réformes annoncées de la justice...en pensant à celles-ci nous penserons surtout aux justiciables et à ces magistrats qui craignent de ne pouvoir assumer leurs fonctions face à une inflation irresponsable de réformes parfois circonstancielles faites sans moyens...messieurs nos dirigeants depuis PARIS pensez que la stabilité juridique a du bon et que les réformes à tout va sans les moyens à mettre en face sont le meilleur moyen de décrédibiliser la JUSTICE aux yeux des citoyens.