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10 janvier 2015 6 10 /01 /janvier /2015 11:49
Tahar Ben JELLOUN...et plus jamais ça
Tahar Ben JELLOUN...et plus jamais ça

Tahar Ben JELLOUN...et plus jamais ça

Unis à la manifestation nationale, nous espérons être nombreux à ce rassemblement du dimanche 11 janvier 2014 aux Sables d'Olonne, à sortir un peu de notre individualisme, de notre indifférence, de notre insouciance, de notre lâcheté peut-être ou de nos certitudes.

Ainsi, confortablement établis, nous n'avons  certainement pas assez agi et réagi contre les massacres de ces derniers mois tels que ceux que l'Etat Islamique a commis dans les Pays du Proche Orient sur les minorités chrétiennes et autres minorités. C'était loin mais si prés de chez nous en réalité !

 

Soyons tolérants mais vigilants et intransigeants pour la défense de la liberté et de l'homme debout.

 

Mercredi, le soir de l’attentat, des milliers de personnes se sont rassemblés spontanément. Cela a inspiré le poète et écrivain membre de l’Académie Goncourt , Tahar Ben JELLOUL, né au MAROC le 1er décembre 1944

Nous versons donc à la réflexion commune ce texte de TAHAR BEN JELLOUN adressé au POINT "on doit se battre" écrit-il

( http://www.taharbenjelloun.org/)

 

 

 

Un démenti magnifique et très émouvant a été infligé mercredi soir à tous ceux qui cherchaient à nous faire douter de la République et de ses valeurs essentielles. Le peuple français est descendu dans les rues et s'est rassemblé sur les places de presque toutes les villes de France. Une solidarité, une fraternité immédiates se sont emparées de très nombreux citoyens qui, dans le silence et le recueillement, ont rendu hommage aux douze personnes assassinées par des terroristes qui dirent "avoir vengé le Prophète".

Des cons et des assassins

Cet élan général m'a profondément touché alors que je pleurais la mort de deux amis parmi les victimes, Cabu et Wolinski, des amis de quarante ans. Cette tragédie a quelque chose de très particulier.

Les attentats ont provoqué un séisme suivi d'un traumatisme.

Les tueurs sont arrivés, hyper armés, déterminés, dans le but précis d'en finir avec la dérision, l'humour, la légèreté, le rire, la caricature, la poésie, la fantaisie, bref, tous ces superflus qui nous aident à vivre.

Ils ont réussi, les salauds. I

ls ont décimé toute une rédaction.

Mais la liberté avait ce matin-là un gilet pare-balles, car, même blessée et meurtrie par la mort de ses hérauts, de ses fans, elle s'est maintenue et se maintiendra vive et absolue. C'est cela, la France.

On ne transige pas avec cette valeur qui fonde notre vie quotidienne, qui consolide nos convictions et nos combats.

Cette question de "vengeance" est stupide et n'a aucun sens.

Le prophète Mahomet, quand il s'adressait à ses soldats avant une bataille, leur recommandait expressément de "ne pas tuer les femmes, les enfants, les vieillards ; de ne pas arracher un palmier ou un arbre ; de ne pas détruire les maisons ; et s'ils rencontrent des moines dans leurs cellules, qu'ils les laissent en paix" (voir Al-Sîra, de Mahmoud Hussein, tome 2, page 510, Fayard, 2007). C'est en son nom que des barbares tuent aujourd'hui des innocents un peu partout dans le monde. Mais comme faisait dire Cabu au Prophète dans une couverture de Charlie, "c'est dur d'être aimé par des cons". Des cons et des assassins.

La "prison islamique"

De plus en plus de musulmans s'intègrent dans ce pays. On n'en parle pas, mais la majorité des immigrés et de leurs enfants qui sont français sont en train de trouver leur place dans ce tissu complexe mais solide grâce à la démocratie et à ses institutions.

C'est ce constat qui énerve au plus haut point les pessimistes, les déclinistes, ceux qui trouvent refuge dans l'extrême droite qui ne cesse de faire peur aux Français.

Ce qu'ils ne savent pas, c'est que les djihadistes ne supportent pas non plus que l'islam puisse trouver sa place dans une société laïque, démocratique, libre, avec des traditions de contestation, de critique et de dérision.

Ces musulmans leur échappent. Or, tout musulman appartient à l'oumma, à la nation, et ne peut ni en sortir ni la critiquer. C'est ce qu'on a appelé "la prison islamique".

C'est aussi le credo de toutes les religions, sauf qu'avec l'islam, depuis qu'il a été détourné de son message, depuis qu'il est devenu une idéologie politique, une morale qui tiendrait lieu de Constitution avec la charia à l'appui, depuis que Khomeyni a déclaré en 1978 : "L'islam est politique ou n'est pas", les musulmans installés en Europe ont donné quelques maux de tête aux fanatiques de tout acabit.

 

Tueurs sortis des ténèbres

Les Français, dans leur majorité, devraient éviter de tomber dans ce piège dont le but est de démontrer que l'islam est incompatible avec la démocratie et les lois d'une république laïque.

C'est pour cela qu'on tue.

Moi, en tant que citoyen français de culture musulmane, en tant aussi que Marocain, en tant qu'écrivain, je sais ce que je dois à la France, à ses grands esprits, de Voltaire à Rabelais, de Montaigne à Michel Foucault.

L'islam n'a jamais été un obstacle pour enrichir et diversifier mon imaginaire. Je sais que le Coran fait l'éloge du savoir, de la curiosité intellectuelle, du débat et de la découverte. C'est cet islam-là que mes parents m'ont enseigné.

C'est ce qui m'a permis d'être libre dans une laïcité solide.

Ma liberté de conscience est garantie ; et cela n'a pas de prix quand on voit ce qui se passe dans certains pays musulmans, où la lecture et l'interprétation du Coran ont été littéralistes, c'est-à-dire limitées et fanatiques.

C'est en France que j'ai trouvé refuge en 1971 alors que dans mon pays régnait la terreur ; on pourchassait les intellectuels, on réprimait toute opposition. La France m'a accueilli et personne ne m'a demandé quelle était ma religion. Si on l'avait fait, j'aurais répondu : ma religion c'est la liberté.

La France était son symbole le plus évident. Aujourd'hui, on doit non seulement se battre contre les tueurs sortis des ténèbres, mais aussi empêcher les dérives vers lesquelles certains veulent nous entraîner à coups de mensonges, d'incitations à la haine, en faisant de la peur de l'étranger, surtout non européen, le responsable d'un malheur jamais consolé.

 

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